Suite de l'article "Un curé bien bavard"
1781 :
En cette année continuoit encore la guerre entre les françois et les espagnols et les provinces unies d’amérique d’une part et les anglois de l’autre. La fortune fut plus favorable en cette année que dans les autres et au(x) francois qui enlevèrent aux anglois l’ile de Tabago, battirent leur flotte en deux rencontres : 1° a la hauteur de la martinique le 16 aoust ; 2° le 5 de septembre dans la baïe de Chesabeux sous le commandement de Mr de Grace lieutenant général des armées navalles de sa majesté : Et aux espagnols qui enlevèrent aussi aux anglois l’ile Ste Rose et une très grande étendue de terrain dans la louisiane en amérique et l’île minorque port mahon dans la méditerranée. Le fort St Philippe de cette île n’étoit point encore rendu au moment que j’écrivois ces choses-ci.
L’armée combinée des américains et des françois commandée par Mre Waginton américain et de Rochea ambau et de la faillette prirent entièrement les villes d’Yorck et de Charleton sur les anglois en amérique : événements qui humilièrent beaucoup l’orgueil britannique, de longtemps l’angleterre ne s’étoit vüe si bas que dans cette année. On parla de paix mais on ne l’a fit pas.
Heureuse dans la guerre qu’elle portoit si loin de son centre la france le fut encore davantage par le présent que lui fit le 22 d’8bre (octobre) la divine providence. en ce jour à deux heures d’après midi la femme de son roy mit un dauphin au monde. La joye fut universelle et les françois firent sentir combien ils aimoient le père à la réception qu’ils firent au fils. Peut-être depuis la fondation de l’empire aucun dauphin ne fut si bien accueilli. il fut nommé Louis Xavier Joseph : voici deux compliments que les dames de la halle de paris adressèrent à l’occasion de la naissance de Monseigneur le Dauphin, au Roi et à la Reigne.
au Roi
Sire
Si le ciel devoit un fils à un roy qui regarde son peuple comme sa famille, nos prières et nos vœux le demandent depuis longtemps. ils sont enfin exaucés. nous voilà sûrs que nos enfants seront aussi heureux que nous : car cet enfant doit vous ressembler. Vous lui apprendrez, Sire, à être bon et juste comme vous nous nous chargerons d’apprendre aux notres comme il faut aimer et respecter son roi.
(Ce paragraphe a-t-il été annulé, car il semble barré d’une croix ?)
à la Reine
Madame,
Toute la France a déjà témoigné à votre majesté sa joye si vive et si vraie de la naissance de Monseigneur le Dauphin. nous avons fait relater nos transports avec tout l’amour que nous avons pour vous ; il nous est permis aujourd’hui de porter aux pieds de votre majesté les expressions de nos cœurs : ce droit là nous est plus cher que la vie ; il y a si longtemps, Madame, que nous vous aimons sans oser vous le dire que nous avons besoin de tout notre respect pour ne pas abuser de la permission de vous l’exprimer.
à Monseigneur le Dauphin
Monseigneur
Nos Cœurs vous attendoient depuis longtemps, ils étoient à vous avant votre naissance. vous ne pouvez entendre encore les vœux que nous faisons autour de votre berceau ; on vous les expliquera quelque jour, ils se réduisent tous à voir en vous l’image de ceux dequi vous tenez la vie.
En cette année furent supprimées les fêtes de saint André, de saint jean l’évangéliste, saint philippe et de saint jacques, le mardi de pentecôte. La saint Lô remise au dimanche le plus proche ainsi que la fête de chaque patron. Suppression qui ne plut guère aux bons Buveurs de ce temps là, qui, l’année ayant été abondante en cidre, se voyèrent privés d’autant de jours de débauches, leurs femmes en bénirent le ciel et disoient que Monseigneur avoit en cela coupé pied à bien du mal.
La récolte fut assez abondante, et le sac de bled étoit pour l’ordinaire à vingt-cinq livres. Le cidre alla à soixante-dix livres le tonneau : diminution grande par rapport à l’année précédente où il avoit monté jusqu’à cent soixante et dix livres.
A suivre ...