On a beaucoup parlé récemment de l'éruption du volcan islandais au nom imprononçable ...
Mais savez-vous que cela s'est déjà produit dans le passé, en 1783, et que la France, l'Europe entière, et même l'Afrique et l'Amérique ont été touchées par les retombées volcaniques ?
Outre la surmortalité des populations, cela a eu des conséquences sur les cultures, et induit des périodes de famine.
Ce qui a amené certains historiens à évoquer la possibilité que cette éruption islandaise pourrait être l'une des causes de la Révolution Française.
Islande, 1783: le Laki, volcan qui déclencha la Révolution française
C'est ainsi qu'on le nomma en France à l'époque après la prise de la Bastille: "volcan de la Révolution". Le Laki, ou Lakagigar, est en fait une chaîne de volcans. Elle suit la même ligne que...
Et voici ce qu'en disent quelques curés à l'époque :
Extrait du registre paroissial de Morfontaine (Meurthe et Moselle)
Texte écrit le 31 décembre 1783 par le curé, M. Mathieu
Nos successeurs ne trouveront pas icy sans intérêt les désastres et les phénomènes de cette année 1783, dont les annalles du monde n’offrent rien de semblable pour leur étendue et leur singularité. L’Europe, depuis son midy jusqu’au nord austral, c’est-à-dire depuis la Sicile jusqu’à l’Islande, a éprouvé d’horibles tremblemens de terre dont les foyers ont été les monts Etna et Héclat ; le premier a détruit toutes les villes, bourgs et villages, vignobles et plantations quelconques des deux Calabres et d’une grande partie de la Sicile, dont Messines, l’une de ses capitalles, ne montre en ce moment que des ruines. Dans l’autre point, il s’est élevée une isle brûlante au millieu de ces mers presque toujours glacées. Les calamitées de ces mouvemens convulsifs sont au dessus de toutes expressions dans les Calabres et la Sicile.
L’Europe entière a vu successivement et avec un égal étonnement un brouillard sec qui, pendant une grande partie des mois de juin et juillet, interceptoit les rayons du soleil et de la lune et donnoit à ces deux flambeaux une couleur de sang ; et beaucoup d’épidémies affligeantes, grandes sécheresses, cependant bonne récolte, mais peu abondante.
In futuram rei memoriam.
Signé illisible,
curé de Morfontaine
"En cette année 1783, après un printemps des plus froid et humide sans avoir été trop pluvieux, il parut vers le quinze juin un brouillard des plus dense, qui fut très humide les premiers jours, et qui devint ensuite sec et dura sans aucune interruption jusque vers le vingt ou même vingt deux juillet. Ce brouillard ne paraissait pas s’élever fort haut dans l’atmosphère. Il n’obscurcissait pas entièrement le soleil qu’on pouvait aisément fixer sans blesser la vue, au milieu du jour, comme à son lever et à son coucher. Il paraissait d’un rouge mêlé d’obscurité. On eut dit qu’il était continuellement éclipsé par un rideau qui ne laissait apercevoir qu’un anneau clair et vif au bout de son disque. Ce phénomène eut lieu dans toutes les parties de l’Europe suivant les relations des journaux et mercures de l’année. Ce qui exerça beaucoup la plume de Physiciens qui veulent rendre raison de tout, même de ce qu’ils n’entendent pas mieux que le simple peuple. Les uns dirent que le soleil était encrouté d’une couche de scories qu’il avait expulsé de son centre à sa superficie, les autres prétendirent que ce brouillard épais et continu qui l’obscurcissait sans empêcher de le voir et qui donnait même à toute heure la facilité de le fixer sans gêne, n’était qu’une suite de la grande quantité de vapeur qu’avait vomi pendant plusieurs mois le mont Vésuve car ce fut en effet à cette époque qu’arriva l’affreux renversement de Messine et tout le désastre de la Sicile et surtout de la Calabre extérieure. Sans recourir à ces explications dénuées de fondement, il était bien plus simple il me semble de dire que le printemps ayant toujours été très froid, très humide, que le soleil n’ayant presque pas paru pendant toute cette saison, la Terre n’ayant par conséquent rendu jusqu’à lors rien des vapeurs et de l’excessive humidité dont elle s’était imprégnée pendant un hiver des plus pluvieux et un printemps des plus froids, elle commença à les exhaler lorsque le soleil dans son apogée dardait presque perpendiculairement ses rayons sur elle. Quoiqu’il en soit, ce phénomène eut un effet pernicieux. La moisson qui paraissait devoir être tardive, fut précoce parce que aussitôt que ce brouillard eut disparu vers le 20 ou 22 juillet, les grains qui n’étaient qu’à moitié formés, tournèrent en deux jours à maturité, ou plutôt furent échaudés et grillés. Ils avaient fleuri on ne peut mieux au commencement de juillet pendant le calme du brouillard qui était accompagné d’une chaleur douce et sourde, mais la rouille épaisse dont ils étaient couverts dès le commencement de mai, la prodigieuse quantité d’herbe dont ils étaient remplis, jointes à une chaleur ardent et subite qui ne leur donne pas le temps d’achever de prendre leur nourriture furent cause que la récolte fut des plus mineure au point que dans ce canton les meilleures terres rendirent à peine trois septiers au septier. Il y en eut même beaucoup de médiocres qui ne rendirent guère au delà de leurs semences.
Après que ce brouillard eut disparu, il fit du plus beau temps, le plus chaud et le plus sec jusqu’à la veille de Noël. Les mois de novembre et décembre également froids et secs. L’eau manquait partout excepté dans les puits. On nettoyait les mares à la fin de décembre plus facilement qu’on ne fait ordinairement dans les plus grands jours."
Source : Registre des Yvelines pour la commune de Saint Germain d’Auxerre d’Hattonville (rattaché à Allainville en l’An II) ref 1MIEC2 années 1769-1792 page 63/125.